Tito et bras rabotés.

"I'm a tough madafaka" excepté quand il s'agit de mes chats

Donc j'ai perdu mon chat. On a dépassé la semaine ce soir. Mon Tito. Mon compagnon de vie, mon amour de chat, mon enfant adoptif, mon meilleur ami. Celui qui m'a accompagnée dès les premiers mois de ma vie au Mexique. Tito EST ma vie au Mexique: il est né en Mai 2012, le mois de mon arrivée. Je m'apprêtais à célébrer mes six ans à Guadalajara avec les six ans d'existence de Tito. On dirait que je vais finalement devoir faire une croix sur cette petite date spéciale. Une croix sur cette habitude d'utiliser l'âge de Tito pour calculer mes années au Mexique et vice-versa. 
Je m'en veux. De ne m'être même pas imaginée qu'il puisse sortir en pleine nuit sans jamais chercher à s'éloigner de l'appartement, à traverser la rue et partir à l'aventure. Je m'en veux de, selon moi, ne pas l'avoir "suffisamment cherché": pas demandé à suffisamment de monde, pas posté suffisamment d'affiches, pas poussé mes recherches "suffisamment" loin. Je suis comme mes chats avec leur espace à explorer: peu importe les heures à patrouiller autour de chez moi jour et nuit, à demander à n'importe quel local, à harceler les taqueros et gardes de nuit des entreprises du coin, peu importe que je monte la garde à deux heures du matin devant chez moi en milieu de semaine, envoyant bouler ma propre sécurité et mon déjà si réduit sommeil, ça n'est jamais assez. Jamais assez. 
Ultime bouse sur la litière: il a disparu à une semaine jour pour jour de mon opération des bras, ruinant dans la plus grande gloire possible une semaine nécessaire de repos et préparations logistique comme mentale d'un truc déjà pas forcément relaxant en soi - cette foutue chirurgie plastique à la symbolique et l'impact considérables. Merci Tito, merci la vie, merci le destin, merci le hasard ou n'importe quel fils de chacal ayant jugé opportun ou justifié de m'arracher à ce moment précis le seul être au monde avec qui j'ai su élaborer une relation quotidienne saine et bienveillante, seulement portée par l'amour et la tendresse. Tito était l'un des plus importants piliers de ma vie, ce pilier vient de s'effondrer misérablement pour une fenêtre laissée ouverte un peu trop tard dans la soirée. Et je suis là avec tous ces chouettes projets pour le printemps. On était censés se mettre bien. 
"C'est bon il te reste encore un chat!" disent certains des plus insensibles. Il me reste un chat, une petite minette confuse et attristée par l'absence de son compagnon félin de toujours, et pour chaque regard que je porte sur cette adorable petite Chelsea je dois de même affronter la "vue" du chat manquant, de celui qui n'est plus là.
"Ah non mais une semaine c'est que dalle, il y en a qui reviennent au bout de plusieurs mois! Ne lâche rien et continue à le chercher." me dit la vétérinaire du coin. Moi aussi j'ai entendu ces histoires miraculeuses. Et pour chacun de ces récits dignes d'un Disney, combien de chats perdus disparaissent à jamais. Voir Tito revenir est devenu mon rêve le plus merveilleux et le plus fou en l'espace d'une semaine. Je pensais à cette réalité tous les jours: qu'il disparaisse ou meure un jour d'un accident ou problème de santé. J'espérais simplement que cela n'arrive pas avant ses quinze ans et dans un minimum de douleur ou détresse. Rien ne nous y préparera jamais, rien. 
"C'était qu'un chat, pas ton mari non plus." Que ce soit un mari, un chat, un ami, parent ou un putain de poisson rouge la douleur reste la même. 

Le plus ridicule dans cette farce de mois de Mars ? La chirurgie est passée comme une lettre à la poste. Pour le premier jour du moins, on verra demain. Même pas de gros stress, ni de vraies douleurs ni même de trop grosses contraintes dans ma mobilité. Je ne fais pas trop la maligne au moment d'enfiler un t-shirt, certes, mais je peux me lever et marcher tout mon gré. Le cauchemar de la disparition de Tito a tout absorbé, rendant le reste presque totalement creux et sans grande importance. Et Dieu sait pourtant combien cette dernière chirurgie m'importait - et me stressait. 


Pourquoi je m'acharne à faire tout ça ? Ces placements, améliorations de mon physique et ma santé, études, cours, recherches de projets freelance ou autres, ces achats pour améliorer mon appart, ces pratiques du chants, de l'harmonica ou de l'écriture ? Pour me sentir mieux. Vivante, heureuse. Pour ce sentiment de plénitude et d'épanouissement que tous méritent. Valent-t-ils toujours la peine si personne n'est présent pour m'accompagner, personne avec qui partager mes victoires, mes progrès et ce nouveau bien-être acquis ? J'ai parlé de mon chat perdu avant même d'avoir complètement ouvert les yeux au réveil de ma chirurgie et j'ai pleuré son absence en silence quelques minutes plus tard en salle de récupération. Tito s'en battait les flancs que je pèse un quintal, que j'aie les bras qui pendent jusqu'aux genoux ou ressemble à Gérard Depardieu semi-sobre en mascara. Il est simplement venu se frotter à mes jambes le matin de mon abdominoplastie il y a de ça un an, en demande de caresses. Il était là pour recevoir ma tronche aigrie et mes larmes contre sa fourrure lorsque je me trouvais secouée d'un accès dépressif. Il miaulait de joie à chacun de mes retours de vacances. Dernièrement, il avait pris l'habitude de venir se coucher entre mes bras à l'aube alors que je ronflais encore dans mes coussins. Mes plus douces matinées. Les animaux de compagnie ne jugent pas, ils sont simplement là. Jusqu'au jour ils ne sont plus là. Il va désormais me falloir faire sans. Un deuil, ni plus ni moins. 

Et s'il réapparaît un jour, il sera pas près de re-foutre une patte dehors, cet enfoiré à moustache. 

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