Marathon; Shake me Up

                               Pelouse synthétique: bel attrait festivalier - photo de Gabriela Muñoz cabezadegamuza

Je n'aime pas vraiment les festivals. Plus le temps passe et plus je vois à quel point je ne suis qu'une vieille fille aigrie n'aimant ni la foule, ni le bruit ni les abondances de sponsors, publicités et incitations à la consommation. Cette classique, classique impression de n'être qu'une bovine de plus au cœur d'un troupeau de bêtas en chemin vers l'abattoir et ravis de leur condition – pour la furieuse carnivore que je suis c'est quand même chié. Saucisse dite il y a toujours cette part schizophrène en moi qui hait la foule reloue mais adore, à la limite de l'indécence, danser en sueur à moitié à poil, hurler, me prendre des jets de bière venant de tous les côtés et pousser tout le monde à cause de mes mouvements d'épileptique en pleine crise de convulsion. Logique.

Ça ne me surprend pas tellement au fond; si l'on est tous en train de s'exciter pour le groupe qui joue face à nous et que l'on en profite en cœur, alors l'hystérie collective et les mouvements de foule me sont absolument jouissifs. Si en revanche je ne peux même pas apercevoir les musiciens sur scène à cause d'un foutu pilier humain d'un mètre quatre-vingt-dix totalement immobile, planté devant moi avec les bras croisés alors que 500 personnes derrière lui ne demandent qu'à pouvoir s'approcher un poil et pouvoir danser et s'éclater joyeusement au son d'une musique qu'ils adorent, de suite je trouve ça moins marrant. 
Tout cela, me diriez-vous, peut se retrouver dans un simple concert et pas seulement un gros festoche. Certes. Mais ne niez pas à quel point ces gros festoches ont le chic pour regorger de badauds venus plus par curiosité qu'autre chose ou cherchant l'excuse idéale pour déambuler raides rébous en public dès cinq heures de l'après-midi - et qui pourrait leur en vouloir. Ou les inévitables poseurs plus occupés à prendre le selfie parfait et compter leurs likes Instagram. Je sais, je sais que je fais très grognasse emmerdante mais kevoulévou; je déteste que l'on m'empêche de profiter au maximum de mes concerts, de danser librement ou de simplement me concentrer sur la musique et sur l'action de la scène. C'est pour cela même que je vais à un concert: pour que rien d'autre n'existe le temps d'une heure ou deux, rien d'autre que partager ce moment avec les musiciens, les écouter et le leur faire comprendre, percevoir leur enthousiasme et leur exprimer leur nôtre dans l'idéal ou sentir leur frustration, leur destruction ou leur fatigue dans les moins bons cas. Comprenez bien, alors, que la présence au sein du public de gens qui feraient tout autant de raconter leur vie assis à une table du Starbucks local ne soit pas ce que je préfère. J'ai un peu honte d'être ainsi mais je ne pourrais pas être plus sincère. Cet effet de “communion musicale” et l'énorme euphorie qui découle de voir jouer un groupe ou un artiste que j'adore m'est très précieuse. Ça et mes chats. Et MANGER. Oh et puis merde.

Je m'en suis particulièrement rendue compte durant le weekend passé au festival Coordenada 2017 de Guadalajara il y a deux semaines. Le truc a sacrément grandi; après seulement quatre ans d'existence et en l'espace d'une année le festival est passé d"un seul jour à deux et de deux scènes l'une à côté de l'autre à cinq réparties sur un énorme périmètre parsemé de food-trucks, d'un terrain détente avec une scène de stand-up et de ne je-ne-sais-combien de zones VIP. Ébé. Je ne m'en plains pas, si ce n'est pour la douloureuse hausse des prix de n'importe quel bordel de truc à boire ou à manger mais boarf, ça fait partie du jeu j'imagine. Là où j'ai eu par contre une sérieuse doléance à émettre quant à cette fort charnue édition, c'est je n'ai vraiment, vraiment, mais alors vraiment pas du tout du tout du tout apprécié d'avoir raté le concert de Glass Animals: l'un des deux principaux groupes que je souhaitais voir de tout mon cœur et qui ont à eux seuls justifié l'achat de mon billet. Je venais de les découvrir six mois plus tôt totalement par hasard sur Coachella TV et je n'avais cessé de les écouter depuis;  Poplar St et The Other Side Of Paradise – Cane Sugar aussi – m'ont rendue dingue dès la première écoute et je me faisais une montreuse joie d'aller les applaudir. Je savais aussi que le groupe jouait là l'une des dernières dates d'une très longue tournée et qu'il n'allait surement pas être de retour sur la route avant un moment – encore moins à Guadalajara.
Loué soit le Seigneur je m'étais séparée de mon groupe de potes en entrant dans le festival, me retrouvant seule un petit moment avant de rejoindre une autre amie; aucun de mes proches n'a ainsi eu a subir la Célia en pleine crise de rage, stress et tristesse démesurée parfaitement inappropriée face à la nouvelle d'avoir loupé un concert. L'un des trucs tout à fait nuls que je fais quand je commence à me fâcher très fort à l'intérieur et perdre un peu le contrôle à l'extérieur, c'est insulter les gens autour de moi en français. Oui. Du petit mot inaudible une fois la personne dépassée au hurlement hystérique. Pour l'occasion je me trouvais clairement dans la section hurlement, à brailler “TA GUEEEUULE!!” aux pauvres vendeurs ambulants de bières et snacks – il n'y a rien qui me rende plus odieuse que de me faire crier des promotions et offres de produits dans les oreilles alors que je suis stressée. Oh, l'embarras de confesser tout cela. Passons donc.

Une bière douloureusement chère glissée dans le gosier en guise de maigre consolation, une gigantesque cuisse de dinde achetée sur un coup de tête et semi-mangée sous le coude, j'ai débarqué au concert de The Cribs vers la moitié du set. Mes aigreurs de fangirl déçue ont finalement commencé à se calmer en entendant leurs chansons britrock un peu destroy, tellement années 2000 et surtout tellement mon adolescence. "Mon époque" comme dirait une quarantenaire pas encore tout à fait flétrie mais déjà un peu poncée sur les bords. Et je peux vous dire que ça n'est pas la gigantesque portion de dinde calée dans mon estomac qui m'a empêchée de me mettre à sautiller comme une punkette de 15 ans sur l'une de leurs chansons un peu agressives. J'avais vraiment, vraiment besoin de lâcher du leste. De suer mon stress, la frustration et la colère des dernières semaines. Je sortais d'un gros déménagement à peine trois semaines plus tôt et figurez-vous que déménager seule un appart quand même pas minuscule et dans lequel on a absolument tout meublé et acheté sois-même depuis 3 ans, et bien c'est fatiguant. Surtout quand on essaye d'assurer ses heures de taf à côté et qu'on est une incurable anxieuse. M'en remettrai jamais.
MAIS REVENONS Z'A NOS MOUTONS qui, laissez-moi vous le dire, ne manquent pas d'attrait. Du moins pour la sotte excessive que je suis. The Cribs applaudis et remerciés, je ne me suis pas posé de questions quant à la suite du programme ; The Growlers allaient jouer sur cette même scène dans moins d'une heure et je n'allais sûrement pas me casser les miches à aller voir d'autre artistes que je ne connais pas pour risquer de rater une seule minute du set de mes favoris.
Et là il est important de vous parler un peu de ces messieurs. The Growlers est un groupe très, très cher à mon cœur. Découverts il y a environs 4 ans via une recommandation Twitter de Julian Casablancas - un artiste que j'adule sans retenue depuis l'âge de 16 ans - j'ai très vite développé une sérieuse obsession pour leurs chansons, oubliant en chemin que j'avais d'abord daigné leur jeter une oreille distraite pour la seule raison que l'un de mes absolus musicien favoris ait vanté leur mérite. En plus de leur musique que je n'ai même pas l'intention d'essayer de décrire, je me retrouve souvent bottée et touchée par leur paroles. Pour ne rien gâcher je trouve leur attitude de gentils weirdos marrants, non poseurs, réalistes et non-diva au possible terriblement rafraîchissante dans l'habituel paysage musical. Peut-être sont-ils de véritables connards dans la vie réelle mais leurs concerts et interviews me donnent envie de leur faire de gros câlins platoniques – ou pas. Et puis tout connement, leur musique m'a accompagnée, consolée, aidée, motivée et faite rêver à toute berzingue durant les 4 dernières années. Ma situation personnelle n'était pas tout à fait tip-top à l'époque; j'exagère à peine en disant que la découverte de ce groupe et de Portugal. The Man – subtil hint sur ce qui suit – ainsi que le concert de Julian Casablancas + The Voidz en Août 2014 ont été parmi les seules choses vraiment positives et bienfaisantes de cette soooombre ère d'auto-destruction, déprime et alcoolisme sournois.
Quitte à me répéter encore et encore; voir jouer devant moi un groupe qui a fait partie de ma vie quotidienne durant plusieurs années et a été présent dans mes activités les plus sympas, les plus reloues ou les plus stressantes, qui a été la bande-son et la symbolique parfaite de moments à chier comme d'euphories totales reste à mes yeux l'un des meilleurs trucs de la terre.

"Bon c'est bien mignon tout ça Célia" me direz-vous, "mais concrètement?" Et bien concrètement je me suis casée contre la barrière en première file de ce fameux show Growlers et j'ai dansé, comment vous dire; intensément. Durant l'entièreté de leur set tout en gueulant joyeusement, purulente d'un fol enthousiasme retrouvé. J'ai aussi su fermer ma gueule durant les quelques chansons intimistes et calmer mes ardeurs ondulatoires pour me concentrer sur la bôté de la musique et ses paroles amères; vertuchou j'ai presque chialé sur Night Drive. Pendant Monotonia je n'ai pas pu m'empêcher de ricaner intérieurement tout en hurlant le refrain en espagnol avec le reste du public: “Y la monotonia es un asesino lento”. Sur Chinese Fountain je me suis redit que Brooks Nielsen est un vrai parolier de sa mère capable de chanter avec intention en donnant à ses mots tout leur sens et leur force. Quand il est descendu pour la troisième ou quatrième fois dans le public et s'est enfin décidé à aller de mon côté pour nous serrer les mains, je n'ai pas fait l'hystérique - bien trop timide pour ça -  mais ai tout de même tendu la main avec un grand sourire plein de gratitude afin qu'il m'effleure à peine un doigt sans un regard. QU'IMPORTE, ce genre de petit moments spéciaux de concert ne m'étaient encore jamais arrivés. Cerise sur le cupcake: le reste du public autour de moi ne m'a même pas saoulée, ce qui est en soi un vrai petit miracle. Pour tout vous dire l'ambiance d'euphorie générale et d'enthousiasme de la majorité des gens m'a vraiment plu et a d'ailleurs joué, je pense, à motiver et consoler le groupe malgré leurs problèmes de son en début de concert. Je n'étais clairement pas la seule à avoir avidement attendu leur venue pendant des années.
ET CA N'EST PAS FINI LES Z'AMIS. Car figurez-vous qu'après ce fort plaisant concert je me suis empressée de courir, des étoiles en forme de cuisse de dinde encore dans les yeux – c'était un sacré morceau cette cuisse – au concert d'Interpol. Avant de sauter dans le premier Uber pour filer à celui de Portugal. The Man qui jouait vers minuit dans un autre coin de la ville. Ventre Saint-Gris, que de groupes essentiels en une seule journée. Sans doutes le Bon Dieu a-t-il cherché à calmer un poil l'intensité émotionnelle de cette journée en me faisant rater Glass Animals; tout cela m'aurait peut-être généré une telle sur-abondance d'hystérie musicale que j'en aurais cassé ma pipe. O.D d'adrénaline.

Parlant d'intensité il serait justement sage de ma part de m'interrompre là et de garder le reste pour un futur post. J'aimerais quand même blablater de manière un poil concise sur Interpol ainsi que sur ce fameux concert de Portugal; si j'essaie de faire ça là en mode fin de post qui commence à traîner ça sera juste naze. Permettez-moi donc de me retirer et dire à bientôt, vous laissant visualiser dedans vos tête un fluorescent et ô combien excitant “A SUIVRE”.





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