Ablation du ventre pour une meilleure vie?

          Moi qui suis d'ordinaire farouchement anti-drogues

Donc. Il y a une quinzaine de jours je suis passée sous le bistouri pour une abdominoplastie. Et avec ça une petite liposuccion gratuite sur les flancs car voyez-vous, il faut que tout cela vaille la peine et soit harmonieux. 

Avant tout cependant, permettez-moi: je ne suis pas là pour essayer de justifier cette chirurgie. Je n'ai pas à la justifier, à personne. Beaucoup m'ont soutenue dans cette décision et d'autres n'ont pas vraiment compris. Il y avait presque un reproche dans la voix, dans ces "mais t'en as pas besoin, t'as vraiment pas de ventre franchement" et ce à quelques jours de l'opération. Quelle réponse attendaient-ils ? Genre "Oh mais putain tu as raison je n'ai pas tellement de ventre que ça en fait, J'ANNULE TOUT". Ce sont simplement des commentaires dont je ne comprends pas trop le but ni l'intention et auxquels je n'ai de toute manière pas tellement cherché à répondre car non, vraiment, ça n'est le problème de personne d'autre que moi. A ce niveau-là je n'ai d'ailleurs pas eu la moindre hésitation; si j'ai douté un (court) moment à me jeter à l'eau, je n'ai par contre pas du tout recherché l'avis des autres pour prendre ma décision, celle-ci étant déjà définitive lorsque j'ai seulement commencé à parler de ce projet autour de moi.


De manière générale je ne pourrais même pas vous énoncer toutes les raisons qui m'ont amenée à décider de me faire opérer. Et c'est une anxieuse maladive totalement terrorisée par l'idée de mourir des suites d'une intervention médicale - ou autres - qui vous parle. La simple raison esthétique aurait pu suffire mais les raisons psychologiques ont clairement bien plus pesé dans ce choix. M'enlever ce ventre protubérant a été comme m'enlever une tumeur. Une tumeur que je me trimbalais depuis l'enfance - même au plus bas de l'anorexie - et qui était une sorte de rappel permanent de souffrances, d'humiliations, de frustrations et d'une insatisfaction que personne ne mérite. Beaucoup de -tion dans cette dernière phrase. Comme je l'ai dit une fois à une amie: "Je mérite de vivre la vie que je veux je veux et dans le corps que je veux.". Maintenant que je ré-écris ça j'ai même envie d'y faire une petite correction: "dans le corps que je suis sensée avoir." Ce corps ventru, distendu et tremblotant comme un tas de gelée molle n'a jamais été le mien. Ça n'était pas moi, peu importe que j'ai été ainsi depuis l'âge de 6 ou 7 ans. Ça a été comme d'enfiler depuis toute petite une combinaison de bonhomme Michelin et dont laquelle je ne savais plus comment sortir. Et le pire là-dedans; tous me connaissaient et m'identifiaient par ce "costume" de dodue maladivement complexée et dénuée d'une seule once de féminité. Non. 

Ça fait un peu plus de 15 jours que je me suis faite opérer et malgré les œdèmes et autres gonflements, les bleus violets de la taille d'une poêle sur les hanches, les zones toutes dures, les tiraillements et les cicatrices apparentes, je n'ai pas regretté mon ancien ventre un seul instant. C'est la puberté version 2.0: je redécouvre mon corps tel qu'il est réellement sous cet amas de peau lâche et de graisses indélogeables. Vous n'avez pas idée du soulagement, de l'émotion surréelle de me voir vraiment. Et quant à l'immense cicatrice d'environ 60 cm qui me barre maintenant le bas-ventre ? Je crois que je l'aime déjà bien qu'elle soit encore assez boursouflée, croûtée et un peu dégueue. Elle va littéralement d'une hanche à l'autre et pour tout vous dire je trouve ça assez cool d'avoir une cicatrice aussi grande; ça fait guerrière, c'est original et puis ça correspond à ma personnalité. J'aime bien les cicatrices, qu'y puis-je? Par contre les cicatrices luisantes de brûlures au troisième degré je suis un peu moins fan. 


L'art du wrap humain

Maintenant, cette chirurgie plastique me rendra-t-elle heureuse? Oui et non. Elle va m'aider sur le plan dysmorphie corporelle, il n'y a pas de doutes là-dessus. Ainsi que dans mon travail vers une meilleure auto-estime, une meilleure confiance et juste pour le bonheur de ne plus me sentir en permanence tâchée et alourdie d'un gros édredon ventral blindé de pus psychologique.
Après non, ce n'est pas la porte du bonheur mais plutôt un des outils qui me permettront de peler une à une les couches de mon mal-être pour finalement arriver à en affronter le noyau. Je pense que la forme de mon corps me rend malheureuse; si je le corrige, comment se fait-il alors que je puisse continuer à avoir le blues en permanenceLe "problème" de l'apparence de mon corps est en phase d'être réglé, cool, mais la part d'acception de ce corps reste à faire. Ma solitude reste la même ainsi que mon sentiment de vide, ma difficulté à gérer mes relations et j'en passe. Autant de mini-boss dont je dois me débarrasser peu à peu afin de pouvoir me concentrer à 100% sur le vrai problème. Vous avez compris le tralala? Moi en tout cas j'ai compris, c'est ce qui compte. 


Le port de la gaine, ou comment donner un nouveau sens au mot "sexy"

Aussi, juste pour entrer un peu plus dans le concret du sujet: je recommande à tous l'anesthésie plus légère que l'on m'a faite afin d'éviter le réveil en mode "rraahhh un camion m'est passé dessus ou quoi?" et la grosse redescende morale typique d'une anesthésie générale. Je n'ai pas la moindre idée de comment s'appelle ce type d'anesthésie mais c'était chouette. Comme de filer au pieu après une longue journée, de sombrer en deux minutes dans un sommeil profond sans rêves avant de me réveiller un peu groggy mais heureuse et fraîche - et allégée de 2 kg de panse flasque et adipeuse. Et avec un nouveau nombril. En forme de cœur. Ah, l'ironie. 

Par contre je ne vous cacherai pas que que j'en ai bavé durant les derniers jours avant l'opération, oh mes aïeux pas qu'un peu. L'angoisse. De mourir, de l'anesthésie, de l'après, du drain, de tout et n'importe quoi. Je n'y peux rien c'est comme ça. Dieu merci tout a été beaucoup facile à encaisser que je ne le craignais, même le retrait du drain a été sans douleur – 25 cm de tube qu'on te retire de l'intérieur du ventremhm.
Si c'était à refaire? Je le referai sans hésitation. Ça m'a coûté un bras d'obèse mais grand dieu, quel bel usage de mes sous-sous d'héritière. Je suis bonne, mes amis. Ou du moins en phase de le devenir d'ici un peu de dégonflement et la reprise du sport. Et c'est bien.   

P.S: Big Up à mon chirurgien pour son bô travail sur moi - sosie mexicain de Didier Bourdon dans le sketch des Inconnus sur les hôpitaux - et à son infirmière, adorable et dévouée à en pleurer. 

Photos de Célia Simon

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