Piano

J'aime le piano. Je ne connais ni n'écoute que très, très peu de musique au piano dans ma vie actuelle mais cet instrument m'est cher. Le piano fait partie de mon enfance et m'a offert l'un de mes premiers contacts avec le pouvoir émotionnel de la musique. Si je devais ne citer qu'un seul pianiste ce serait mon frère. C'est à travers son apprentissage de l'instrument, ses interprétations de classiques qu'il se devait d'apprendre pour ses classes puis ses improvisations et propres créations personnelles que j'ai pu en découvrir moi-même la beauté des sons et le potentiel musical. 

J'avais moi-même commencé à apprendre à en jouer durant mon enfance. Par paresse et par manque de talent musical, j'ai fini par arrêter au bout de deux ans. Depuis j'ai tout oublié - l'un de mes plus grands regrets. Que voulez-vous, n'est pas artiste qui veut. Mon frère a toujours été le musicien naturellement doué, l'artiste passionné au point de n'avoir d'autre choix que de consacrer sa vie à la musique, pareil à un instinct de survie inné. Moi je ne sais toujours pas à quoi je saurais/pourrais/devrais le mieux consacrer ma vie. Je continue à tâtonner - mais c'est là un autre thème. 

En y repensant, je réalise que mon frère est d'ailleurs l'un des rares musiciens à mes yeux à avoir su exploiter le piano dans sa plus belle expression. Capable d'avoir su en tirer les sons, les mélodies et schémas les plus intéressants et les plus touchants pour moi. De la majorité des productions au piano que j'ai pu écouter jusque-là d'autres musiciens - et dans toute leur diversité possible - j'ai souvent eu l'impression que la plupart ne parvenaient pas à en extraire toute la moelle mélodique et créative. Quelle qu'en soit la raison, c'est simple: je n'ai que rarement eu l'occasion d'écouter des productions au piano que je trouve aussi belle et brillantes que ce que mon frère a pu jouer durant son adolescence - avant qu'il ne délaisse cet instrument pour la guitare, à laquelle il excelle. 

Et pourtant, il y a quelques semaines environ, j'ai découvert presque par hasard un morceau de piano d'un autre artiste de ma génération. Une composition simple, sans grandes démonstrations de technique et sans arrangements: rien d'autre que le seul piano. Dès la première écoute je me suis vue ramenée une quinzaine d'années en arrière. De retour dans le salon familial un soir de semaine, à écouter mon frère en train de jouer l'un de ses mini chefs-d'oeuvre improvisés - je suis sa sœur après tout, j'ai donc le droit plus que quiconque de m'extasier sur son talent. Rien de ce que mon frère a joué et crée à l'époque n'a été gardé ou seulement enregistré, du moins pas à ce que je sache, ce qui me fend le cœur car c'est sans hésitation l'un des aspects les plus chéris et précieux de mon adolescence - je garde ces souvenirs en mémoire, mais jusqu'à quand ? Et voilà ce morceau, un peu sorti de nulle part et d'une personne ayant grandi à des milliers de kilomètres de notre famille: un morceau qui me donne la sensation de retrouver une archive longtemps perdue de la toute jeune sensibilité musicale de mon frère, ainsi que d'un moment précieux de ma propre jeunesse. Et ça, croyez-moi, aucun mot ne saurait en illustrer la valeur. 

Muse

Source image: ¨Piano Gallery