De ces irrésistibles phobies existentielles


              Ceci n'est pas Guadalajara mais Bogotá, ce post n'est qu'un mensonge

Aaaah, la fameuse "fear of missing out". Ce sac bordélique de nostalgie, d'euphorie mélancolique, d'angoisse de "rater quelque chose" et perdre mes précieuses années a toujours été un problème récurrent pour moi – et pour beaucoup d'autres. Que ce soit lorsque je me mets à regretter l'enthousiasme moderniste du début des années 2000 à l'écoute Roll it Over d'Oasis, que ce soit en pétant les plombs d'envie devant le clip de Transition de The Longcut, que ce soit en déambulant dans les rues de Guadalajara un soir de semaine avec mes chansons favorites du moment dans le casqueil n'y a rien de tel pour moi que cette émotion, jouissive comme une drogue addictive et insupportable au point que je m'en jetterais sous le premier camióvenu. Cette incroyable sensation de connecter quelque chose d'essentiel en moi, juste du bout des doigts, tout en le sentant m'échapper irrémédiablement fera toujours partie de mon profil mental. De même que la tristesse de me sentir seule avec mes obsessions, ce qui est sans doute l'un des aspects les plus pénibles de tout ce foutoir: cette impression, à la limite de la psychose, de n'avoir personne avec qui partager mes d'émotions et mes passions. Non pas qu'il n'existe personne en ce monde pour cela, oh non, mais que ces personnes ne fassent pas partie de ma vie. De ne les avoir jamais rencontrés personnellement ou de n'avoir jamais eu l'occasion d'arriver à un niveau de complicité suffisante avec eux. I Wish You Were Here dans toute sa splendeur, même si je ne sais toujours pas vraiment à qui ce You peut correspondre. C'est en partie dans ma tête et en partie réel. Je me meurs de parvenir à échanger quelque chose avec quelqu'un, profondément, à partager et communiquer sur tout les plans. Malgré les amis que j'adore et les personnes de confiance dans ma vie j'ai encore et toujours la sensation que cette précieuse connection m'échappe. Se sentir entièrement compris et entendu, vous savez, le désir ultime de tout un chacun.  
 
Je continue à batailler avec moi-même, mes ambitions et mes frustrations. Avec mon manque de motivation et mes gros problèmes de confiance aussi. Je continue à sentir passer les années sans avoir accompli que dalle et à avoir la sensation honteuse de ne pas profiter comme il se doit de tout ce que la ville et la vie ont à m'offrir. Un exemple bête: aujourd'hui encore, je me rends à la majorité des soirées et sorties entre copains dans un état de sur-excitation divin mais ne parviens que bien trop rarement à ressentir cette euphorie durant la soirée-même  ou ne perçois pas le même enthousiasme et la même sensibilité musicale chez mes amis. Ce genre de situation me plonge dans une solitude colérique affreusement similaires à ce que j'avais pu éprouver pendant mes années d'adolescente frustrée, me transformant en l'espace de quelques secondes en une grognasse abjecte et auto-isolée qui finit par rentrer chez elle avant tout le monde, ronchonne, déçue et avec l'irrésistible impression de mener une vie équivalente à une grosse soupière de bouillon sans sel  
  
Il y a du mieux, pourtant, comme le fait d'être établie à Guadalajara depuis mes 22 ans. Rien de comparable à la folie des grandes métropoles qui ne cessent de me fasciner mais c'est tout de même la ville, la vraie ville, la grande ville et ses multiples possibilités, son chaos et ses freaks. A ce jour rien ne me rend plus heureuse, vivante et émue que la lumières émanant des grattes-ciels, bars et maisons durant une marche nocturne, la musique adéquate dans le casque. Même une journée de merde peut soudainement virer satisfaisante grâce à ces moments de contemplation de la nuit urbaine. C'est mon paradis perdu à moi, et c'est aussi pour ça que je ne retournerai jamais vivre à la campagne, du moins pas avant d'être une vieille croulante sans plus rien à tirer de positif de cette énergie 
 Et puis je suis  à déballer tout ça, aussi, ce qui signifie beaucoup pour moi. Et je peux vous dire que quand je regarde en arrière et que je revois le chemin parcouru pour en arriver à cette vie de jeune prof de Français établie seule au Mexique, d'un coup je me calme et me laisse enfin apprécier cette douce satisfaction d'être qui je suis. Parce que ouais mes enfants, on va pas se mentir: être là où je suis avec les cartes qu'on m'a données, c'est déjà un petit miracle. 

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