Lumières des grattes-ciels = mon bonheur

               Ma fière et fidèle pochette de CDs, sans doute l'un des objets les plus précieux de mon adolescence

Je l'avais déjà mentionné mais je suis une fille exagérément sensible. Pathologiquement sensible. Parmis mes spécialités de sensible: l'impression de me trimballer la nostalgie d'une époque et d'un monde que je n'ai pas connusUne sorte de "mélancolie déphasée": cette sensation de déchirement à la limite de la douleur physique étant par la même combiné à une incroyable euphorie et une espèce de bonheur satisfaitChelou.    
C'est dingue comme la ligne entre tristesse et joie peut être nue: les deux extrêmes du spectre qui se rejoignent d'un coup. Ce sentiment "doux-amer" est souvent associé pour moi à la vie urbaine. 
J'aime la ville. La ville me grise et me fait rêver autant qu'elle me rend triste à tout casser. Je n'ai pas de réels souvenirs d'enfance associés à la ville et pourtant, la ville me rend nostalgique. 

J'ai grandi à la campagne au milieu de nulle part. Les prés aux vaches, les bois et leurs étangs, l'herbe truffée d'insectes et la mâre aux canards étaient mon dada quotidien; rien de plus familier pour moi. La ville, ses lumières, son apparente dureté, ses clubs et sa culture souterraine appartenaient à un univers si différent et si éloigné du mien qu'ils m'en m'effrayaient presque jusqu'à la pré-adolescence. Oh, il y avait déjà une certaine fascination, bien sûr: rien que d'aller dîner le soir en famille dans le centre de Tours me faisait l'effet d'une grisante escapade "dans la grande ville". Mais y vivre, y grandir? Trop pour moi, trop impressionnant, trop éprouvant; un truc réservé aux "durs".  
La campagne a été mon espace et mon foyer jusque mes dix-huit ans, âge auquel j'ai partiellement quitté le nid familial pour aller entamer mes études dans une autre ville de province avant de revenir à Tours six mois plus tard et m'installer un temps dans le centre. A cet âge-là, la ville avait enfin cessé de me terroriser – bien que m'impressionnant toujours – pour laisser place à une complète fascination 
Je ne sais pas si c'est réaliste mais j'associe la fin des années 90 et le début des années 2000 comme étant très "new age", très portés sur le renouveau technologique: l'ère de la modernisation et justement d'une certaine valorisation presque romantisée de la ville, de ses lumières, ses paysages de gratte-ciels et ses nuances de bleu-pourpreEn 2000 j'avais dans les dix/onze ans, bien isolée dans mon gentil trou de campagne: le frisson technologique, le lancement des Strokes, les lunettes de soleil violettes et le reste, je ne les ai pas expérimentés de plein fouet voire pas connus du tout. Et pourtant je me souviens avoir commencé à ressentir une puissante nostalgie de cette époque à partir de l'âge de quinze ou seize ans, à chaque évocation visuelle, vestimentaire ou musicale de cet univers urbain en début de troisième millénaire. Comme si j'en portais le souvenir personnel et qu'en 2005 déjà, je regrettais cette "bonne vieille époque".   
  
Un exemple qui ne cesse de me revenir à l'esprit est l'album Standing On the Shoulders of Giants d'Oasis, sorti en 2000 mais que je n'ai découvert que cinq ou six ans plus tard vers 16 ans. La pochette est une photo du ciel de Manhattan à ce qui semble être l'aube ou le crépuscule, l'Empire State Building en ligne de mire. Lmoitié des membres groupe a changé et le design du nom a été modifié pour ce nouvel album marquant clairement le lancement d'une nouvelle ère: plus fin, moderne et minimaliste. Si musicalement je pense qu'on est loin de l'apogée du groupe, cet albulm contient tout de même trois ou quatre morceaux que j'adore. L'une de ces gemmes, "Roll It Over" – accessoirement le dernier morceau de l'album – a justement le don de me faire ressentir cette nostalgie urbaine avec une impresionnante netteté. Cette chanson illustre pour moi à merveille la pochette du disque: atmosphérique, lente, longue et tristoune avec un pont à la guitare clairement Floydienne. Sa coda à rallonge m'évoque une fin de nuit se muant progressivement en aube naissante alors que la ville et ses fête s'éteignent peu à peu de l'intérieur sous les lueurs du soleil, les derniers oiseaux nocturnes se résignant enfin à aller dormir  
L'ambiance suintant de cette chanson, la pochette, l'époque même de la sortie de l'album; tout cela hurle en moi le début des années 2000. Et allez savoir pourquoi mais cette référence me provoque une magistrale sensation de nostalgie, presque comme la tristesse d'un "paradis perdu" que je n'ai même pas expérimenté de première main.  

Cette même émotion, je la retrouve souvent dans la bonne musique électronique, genre que je connais pourtant très peu et que j'ai globalement méprisé et ignoré jusqu'à cette même époque de 2004-2005. Maintenant que j'en parle je devrais d'ailleurs dire que la musique électronique m'envoie dans cet océan de mélancolie urbaine comme peu d'autres musiques. Et cette mélancoliedamn, c'est quelque chose. Cette ambiance dégoulinante de ville nocturnerah; pour un peu j'associerais presque une odeur à l'atmosphère de la nuit et sa musique. Midnight in a Perfect World de DJ Meera, Reign de Unkle feat. Ian Brown ou encore Broken Home de Tricky feat. PJ Harvey: voilà les morceau électronique ou trip-hop – parmis les premiers à m'avoir déclenché ces précieuses sensations. Et je ne parle pas de drogues ni d'alcool pour me provoquer ces états; la nuit et la musique adéquate suffisent. NonOu c'est juste moi qui délire? Bon.   

Là où c'est un poil moins plaisant, c'est quand cette belle émotion s'accompagne d'une tristesse à me serrer le fond des tripes. La mélancolie est une émotion triste, pas de doutes là-dessus, mais alors que d'autres se ravissent de l'atmosphère trippy d'une bonne chanson "planante" je me retrouve souvent pour ma part à sangloter comme un dodu bébé bouclé. Pathologiquement sensible, que je vous disais. 
J'imagine que ce genre d'ambiance et de musique ont simplement le chic pour mettre le doigt sur ce qui me pèse. La solitude, la frustration de "rater" quelque chose et puis le vide, enfin. Le vide qui m'a faite et détruite tour à tour le long d'une vie en forme de poupées russes. Ce videsymbolisé par une nostalgie carabinée, je ne l'aperçois jamais aussi bien qu'au détour d'une musique, d'une note ou d'une ambiance m'évoquant cette nostalgie urbaine et nocturnequintessence pour moi de la nostalgie tout court. Tout un programme 

Comments

  1. J'aime bien comment tu décris la nostalgie à travers la musique - bon après je hais la ville et ça me fait un peu dégueuler mais je comprends ton sentiment. Y a un livre de ma directrice de thèse (Eh ouais, chaud) qui s'appelle Passante à New York, c'est un livre sur la ville, ça te plairait vachement.
    Crétine

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    1. Hahaha mais merci pour la recommandation, je vais chercher cet ouvrage avec force entrain! Si ta bonne directrice savait que tu réfères ses lectures favorites sur le net elle serait émue jusqu'aux larmes. Hyène albinos.

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